Wednesday, June 5, 2013
A Summary of the Beginning of D'Antraigues Visit to Egypt
Le voyage de d'Entraigues (1779). — Quelques mois après le départ de Sonnini, arrivait à Alexandrie un voyageur de marque, le comte d'Entraigues, neveu de M. de Saint-Priest, ambassadeur à Constanti- nople. Ce jeune gentilhomme avait accompagné son oncle en Turquie, admirateur de l'antiquité, il était surtout sceptique et ami des plaisirs. A Péra il se lie avec une princesse valaque, Alexandrine Ghika, favorite de la sultane et ne la quitte guère. Son oncle lui conseille un voyage en Egypte et lui donne des lettres de recommandation pour le nouveau Pacha Ismaël qui était parti rejoindre son poste au Caire. D'Entraigues devait rester en Egypte du 2 janvier au 27 février 1779(2). Il n'oubliait pas la princesse qu'il retrouve à son retour à Constantinople ; elle l'accompagne jusqu'en Pologne quand il rentre en France et pour lui plaire il lui adressa sous forme de lettres la relation de son voyage en Orient . Comme il était indifférent à la gloire littéraire, il dédaigna de les faire paraître en librairie et le récit de son voyage était resté en grande partie inédit jusqu'à ces toutes dernières années(3). A Alexandrie, il juge sévèrement les Coptes : « . . .ce sont les plus malheureux des hommes, avilis, et, il faut l'avouer, fort méprisables. ...Ils n'ont, dans le fait, aucune croyance de l'ignorance les conduit à l'indifférence des philosophes, mais cependant ils retiennent quelques cérémonies qu'ils observent avec soin, croyant fermement qu'elles suffisent au salut. La friponnerie de leurs prêtres les engage à les multiplier. Ces misérables papas n'entendent pas même la langue sacrée de leurs livres et prononcent leurs prières sans savoir ce qu'ils disent, en cela assez semblables à quelques évêques de France»(". Il donne ensuite des renseignements assez précis sur l'administration de la ville puis décrit longuement les courtisanes d'Alexandrie. Enfin il raconte sa réception chez les deux Pachas d'Egypte : l'un Izzet Pacha qui allait quitter le pays et l'autre Ismaël qui venait le remplacer. «Les Beys sont infiniment mécontents d' Izzet, ils le chassent »(2). D'Entraigues recommandé par son oncle l'ambassadeur et par la favorite de la sultane est reçu très aimablement par Ismaël qui promet de le protéger dans son voyage. Le Kiaya se charge ensuite de le distraire et fait danser devant lui une vingtaine de jeunes esclaves qui «exécutèrent plusieurs danses très lascives». Il pousse même la complaisance jusqu'à lui offrir un de ces jeunes danseurs (3). D'Alexandrie, d'Entraigues part pour visiter les monastères du désert de Saint-Macaire . Il est accompagné du premier drogman, Adanson, chargé de dessiner les monuments, de deux janissaires et d'une douzaine d'Arabes; tous sont juchés deux par deux sur des chameaux. Il est reçu par des moines coptes, « hâves, maigres, abrutis par la prière et le jeûne». Il prétend avoir découvert de précieux manuscrits grecs que les moines refusent de lui céder.
De retour à Alexandrie, il part pour Rosette à peu près en même temps que le Pacha qui lui fait donner pour son voyage deux chameaux et six mulets. Bientôt il rejoint la magnifique escorte du Pacha. « Six chameaux couverts de housses écarlates portant chacun deux timbales de cuivre doré grosses comme un muid ouvraient la marche. Ils étaient conduits par des esclaves à pied et à côté de chaque timbale était assis un esclave avec sa baguette pour frapper son instrument. Après cela venaient douze ou vingt trompettes sur des chameaux dont les queues et les crins étaient teints avec du henné rouge. Chaque instrument jouait l'air qui lui plaisait et cet horrible tintamarre formait la musique du Pacha; elle était digne du Sabbat». Un bey du Caire entouré de plus de cent esclaves précède le Pacha « qui était assis dans une litière couverte d'écarlate et entourée de franges d'or ; deux chameaux la portaient, et autour de cette litière cinquante valets, lui portant, l'un des sorbets, l'autre des parfums, l'autre la pipe, enfin tout ce que pouvait désirer le Pacha, formaient une espèce d'enceinte. A leur faîte était la maison du Pacha que son kiaya commandait. Elle était composée de sept cents personnes toutes assez bien vêtues. A la suite de sa maison étaient les danseurs arabes que le Bey avait amenés. Ils se relevaient pour aller danser sans cesse autour de la litière du Pacha. Enfin après les danseurs venaient les danseuses : « les plus renommées étaient portées sur des chameaux, couvertes de leurs voiles noirs et sur ces voiles étaient attachée une multitude de sequins. Ces sequins annoncent à quel taux il fallait payer leurs services»(1). A l'étape, d'Entraigues est encore reçu par le Pacha et on lui offre cette fois le spectacle des danseuses sous la tente du Kiaya : «elles se mirent à danser; une jouait d'une espèce de fifre et les huit autres sautaient. C'est d'un pareil spectacle que la pudeur doit fuir et où le tempérament le plus froid doit s 'enflammer à l 'aspect lascif des postures incroyables de ces femmes . . . » (2). D'Entraigues part ensuite de Rosette pour le Caire en remontant le Nil et il débarque à Boulac. Il envoie Adanson prévenir les commerçants français et trois d'entre eux viennent l'accueillir et le conduire dans la contrée des Francs où il habite chez Magallon. En compagnie de Magallon et de sa femme, il va le soir retrouver les Francs qui prennent le frais dans le jardin de la contrée. La nuit on se réunit chez l'un des résidents pour faire de la musique ou jouer au pharaon (3). Pourtant la vie de ces négociants lui paraît peu séduisante : «ils s'accoutument à la mollesse orientale au point d'oublier leur patrie. . . Huit maisons françaises existent en ce lieu, tant la soif du gain endurcit le cœur et lui ôte la sensibilité. Toute autre existence que celle du Caire leur paraît insupportable ; ils s'enrichissent malgré les pertes multipliées auxquelles ils sont exposés parcequ'ils vendent à des prix très hauts nos draps d'Europe et qu'un seul paiement les indemnise de deux banqueroutes ».
Magallon et sa femme racontent à d'Entraigues de curieuses anecdotes sur les beys et les intrigues du harem, ce qui nous vaut des portraits des principaux chefs du pays, Mohamed Abou Dahab et les futurs adversaires de Bonaparte, Ibrahim et Mourad. Mohamed Abou Dahab passait pour très cruel : « dans un seul jour il fit mourir soixante fellahs ou paysans sous les coups redoublés des nerfs d'éléphants. » ... [D'Antraigues] ne cherchant qu'à diviser tous les concurrents pour conserver sa place. «Mourad est l'émule de Mohamed, il a tous ses vices si ce n'est toutefois qu'il hait la débauche, mais sa cruauté n'épargne personne dès qu'il s'agit d'assurer son empire». Toutefois il subit fortement l'influence d'une esclave que connaît bien Madame Magallon « qui passe sa vie dans le harem de Mourad son protecteur». D'Entraigues rend lui-même visite à Mourad ; il y est conduit par Magallon suivi de deux drogmans et de quelques négociants. «Je le trouvai assis dans une salle très vaste, sur un sofa turc. La salle était fort longue, pavée en marbre blanc et dans le milieu s'élevait un jet d'eau qui retombait dans un bassin ; au fond de la salle du côté du nord était pratiquée une ouverture pour donner passage à l'air qui vient de la mer, le seul qui raffraîchisse l'ardeur du soleil qui brûle en ce pays. . . Le Bey était entouré de onze esclaves qui, placés à quelques pas de lui, étaient attentifs à deviner ses moindres mouvements et prêts à lui offrir des pipes de tabac ou du café ou de l'eau» (2). Pendant cette audience Mourad reçoit la visite d'Ibrahim accompagné de 13o esclaves environ; avant de le recevoir Mourad fait entrer dans la salle un nombre égal de ses serviteurs. Ces chefs prennent ainsi de grandes précautions, vivant toujours dans la crainte des trahisons et des assassinats. Ils sont très riches car ils écrasent le pays d'impôts. « Quant au peuple, il languit dans la plus déplorable misère et les Coptes qui jouissent d'une certaine aisance la doivent au commerce ou aux charges d'intendants des beys : eux seuls connaissent la division des terres en Egypte et les facultés des particuliers.»
D'Entraigues se rend ensuite à Guizeh en passant par l'île de Rhoda pour voir le nilomètre. A Guizeh il descend chez un Anglais qui le reçoit à merveille : « malgré la guerre il nous traita en amis, c'est que dans un pays aussi éloigné il suffit d'être européen pour se croire compatriote». Puis il décide d'aller visiter le couvent du mont Sinai. Il devait s'embarquer à Suez pour Tor et il lui fallait pour cela l'autorisation du Pacha ..." [Les Français d'Égypte aux XVIIe et XVIIIe siècles, l'Institut Français d'Archéologie Orientale, 1960, p. 247 - 250]
De retour à Alexandrie, il part pour Rosette à peu près en même temps que le Pacha qui lui fait donner pour son voyage deux chameaux et six mulets. Bientôt il rejoint la magnifique escorte du Pacha. « Six chameaux couverts de housses écarlates portant chacun deux timbales de cuivre doré grosses comme un muid ouvraient la marche. Ils étaient conduits par des esclaves à pied et à côté de chaque timbale était assis un esclave avec sa baguette pour frapper son instrument. Après cela venaient douze ou vingt trompettes sur des chameaux dont les queues et les crins étaient teints avec du henné rouge. Chaque instrument jouait l'air qui lui plaisait et cet horrible tintamarre formait la musique du Pacha; elle était digne du Sabbat». Un bey du Caire entouré de plus de cent esclaves précède le Pacha « qui était assis dans une litière couverte d'écarlate et entourée de franges d'or ; deux chameaux la portaient, et autour de cette litière cinquante valets, lui portant, l'un des sorbets, l'autre des parfums, l'autre la pipe, enfin tout ce que pouvait désirer le Pacha, formaient une espèce d'enceinte. A leur faîte était la maison du Pacha que son kiaya commandait. Elle était composée de sept cents personnes toutes assez bien vêtues. A la suite de sa maison étaient les danseurs arabes que le Bey avait amenés. Ils se relevaient pour aller danser sans cesse autour de la litière du Pacha. Enfin après les danseurs venaient les danseuses : « les plus renommées étaient portées sur des chameaux, couvertes de leurs voiles noirs et sur ces voiles étaient attachée une multitude de sequins. Ces sequins annoncent à quel taux il fallait payer leurs services»(1). A l'étape, d'Entraigues est encore reçu par le Pacha et on lui offre cette fois le spectacle des danseuses sous la tente du Kiaya : «elles se mirent à danser; une jouait d'une espèce de fifre et les huit autres sautaient. C'est d'un pareil spectacle que la pudeur doit fuir et où le tempérament le plus froid doit s 'enflammer à l 'aspect lascif des postures incroyables de ces femmes . . . » (2). D'Entraigues part ensuite de Rosette pour le Caire en remontant le Nil et il débarque à Boulac. Il envoie Adanson prévenir les commerçants français et trois d'entre eux viennent l'accueillir et le conduire dans la contrée des Francs où il habite chez Magallon. En compagnie de Magallon et de sa femme, il va le soir retrouver les Francs qui prennent le frais dans le jardin de la contrée. La nuit on se réunit chez l'un des résidents pour faire de la musique ou jouer au pharaon (3). Pourtant la vie de ces négociants lui paraît peu séduisante : «ils s'accoutument à la mollesse orientale au point d'oublier leur patrie. . . Huit maisons françaises existent en ce lieu, tant la soif du gain endurcit le cœur et lui ôte la sensibilité. Toute autre existence que celle du Caire leur paraît insupportable ; ils s'enrichissent malgré les pertes multipliées auxquelles ils sont exposés parcequ'ils vendent à des prix très hauts nos draps d'Europe et qu'un seul paiement les indemnise de deux banqueroutes ».
Magallon et sa femme racontent à d'Entraigues de curieuses anecdotes sur les beys et les intrigues du harem, ce qui nous vaut des portraits des principaux chefs du pays, Mohamed Abou Dahab et les futurs adversaires de Bonaparte, Ibrahim et Mourad. Mohamed Abou Dahab passait pour très cruel : « dans un seul jour il fit mourir soixante fellahs ou paysans sous les coups redoublés des nerfs d'éléphants. » ... [D'Antraigues] ne cherchant qu'à diviser tous les concurrents pour conserver sa place. «Mourad est l'émule de Mohamed, il a tous ses vices si ce n'est toutefois qu'il hait la débauche, mais sa cruauté n'épargne personne dès qu'il s'agit d'assurer son empire». Toutefois il subit fortement l'influence d'une esclave que connaît bien Madame Magallon « qui passe sa vie dans le harem de Mourad son protecteur». D'Entraigues rend lui-même visite à Mourad ; il y est conduit par Magallon suivi de deux drogmans et de quelques négociants. «Je le trouvai assis dans une salle très vaste, sur un sofa turc. La salle était fort longue, pavée en marbre blanc et dans le milieu s'élevait un jet d'eau qui retombait dans un bassin ; au fond de la salle du côté du nord était pratiquée une ouverture pour donner passage à l'air qui vient de la mer, le seul qui raffraîchisse l'ardeur du soleil qui brûle en ce pays. . . Le Bey était entouré de onze esclaves qui, placés à quelques pas de lui, étaient attentifs à deviner ses moindres mouvements et prêts à lui offrir des pipes de tabac ou du café ou de l'eau» (2). Pendant cette audience Mourad reçoit la visite d'Ibrahim accompagné de 13o esclaves environ; avant de le recevoir Mourad fait entrer dans la salle un nombre égal de ses serviteurs. Ces chefs prennent ainsi de grandes précautions, vivant toujours dans la crainte des trahisons et des assassinats. Ils sont très riches car ils écrasent le pays d'impôts. « Quant au peuple, il languit dans la plus déplorable misère et les Coptes qui jouissent d'une certaine aisance la doivent au commerce ou aux charges d'intendants des beys : eux seuls connaissent la division des terres en Egypte et les facultés des particuliers.»
D'Entraigues se rend ensuite à Guizeh en passant par l'île de Rhoda pour voir le nilomètre. A Guizeh il descend chez un Anglais qui le reçoit à merveille : « malgré la guerre il nous traita en amis, c'est que dans un pays aussi éloigné il suffit d'être européen pour se croire compatriote». Puis il décide d'aller visiter le couvent du mont Sinai. Il devait s'embarquer à Suez pour Tor et il lui fallait pour cela l'autorisation du Pacha ..." [Les Français d'Égypte aux XVIIe et XVIIIe siècles, l'Institut Français d'Archéologie Orientale, 1960, p. 247 - 250]
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